hollandais

Jan-Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)

Par Le 12/10/2021

 

Le 16 octobre 2021 marque le quadricentenaire de la disparition de Jan Pieterszoon Sweelinck (né à Deventer en mai 1562 – mort à Amsterdam le16 octobre 1621). 

M joannes petri swelingus muller jan btv1b8425132g 1

illustration, document Gallica Bnf

Ce nom est aujourd’hui bien oublié, cela n’a pas toujours été le cas. Une édition de ses psaumes en 1616 à Berlin lui attribue une « renommée mondiale ». Grâce à un poème de Christian Raue dit « Ravius » (1613-1677) nous savons qu’il a vécu de 1562 à 1621 en Hollande. Le tournant du XVI au XVIIe siècle est un moment important de l’histoire musicale avec la floraison de l’ancienne polyphonie de la Renaissance et la naissance de la «monodie accompagnée». Une époque où l’ancien et le nouveau se mélangent. Claudio Monteverdi (1567-1643) à la même époque a fait surgir l’opéra en Italie. 

J’ai une raison personnelle et particulière de m’intéresser à Jan-Pieterszoon Sweelinck.... Dans mon enfance, j’ai entendu mon papa, le musicien Louis Thiry (1935-2019), travailler et jouer en concert ce compositeur hollandais qu’il aimait beaucoup.

Il le jouait, il l'étudiait, il le partageait avec ses élèves, avec le public. Il souhaitait transmettre sa musique aux auditeurs avec la même conviction que celle qui le conduisait à s’intéresser à la musique du XXe siècle. « Nous avons tous nos habitudes d’oreille et pouvons tout aussi bien être déroutés par cette musique que par celle de Stravinski ou Schoenberg », écrivait notamment Louis Thiry à propos de Sweelinck. Mon père a enregistré deux disques d'oeuvres de Sweelinck, en 1973 et en 1980 pour la maison de disque Arion, je me souviens l’avoir accompagné à la maison de la Radio (on disait alors la maison de l’O.R.T.F.) pour le montage du premier de ces deux disques. C'était l'année où les Rolling-Stones chantaient Angie, pour ma part je me perdais en écoute rêveuse dans les labyrinthes de la Fantaisie n°14 de Sweelinck très différent des Rolling-Stones, mais pas moins riche...

La musique de Sweelinck est donc à mes oreilles une musique familière, l'équivalent d'un tube planétaire. Bien que quadricentenaire elle me paraît contemporaine. Elle est associée à mes écoutes musicales des années soixante-dix, à leur atmosphère de liberté. Ce n’est sans doute pas complètement par hasard si mon papa associait Sweelinck et Liberté dans la notice qu’il avait rédigé pour son enregistrement de 1973. Il écrivait notamment : « On aura sans doute remarqué dans ces lignes la fréquence du mot “liberté”. Ce mot résume assez bien l’impression qu’a eue l’interprète en considérant ces pièces si diverses. Puisse l’auditeur éprouver la même impression à l’écoute de cette toujours jeune musique de plus de quatre siècles. »

On ne possède pas beaucoup de détails sur la vie de Jan-Pieterszoon Sweelinck, mais ce que l’on sait de lui nous convie à imaginer qu’il était lui-même un individu libre dans cette Hollande si européenne aux tournants du XVIe au XVIIe siècle. Jan-Pieterszoon était le fils de Peter Swybertszoon, organiste de la Oude Kerke d’Amsterdam et de Elsken Sweling, issue d'une célèbre famille d’orfèvres originaires de Cologne. Jan-Pieterszoon a choisi de porter le nom de sa mère pour se faire connaître. Jan-Pieterszoon a onze ans lorsque son père meurt en 1573. Il lui succède comme organiste de la Oude Kerke à l’âge de quinze ans, en 1577. Il n’aura guère l’occasion de pratiquer son art au service du culte puisqu’en 1578 la ville d’Amsterdam adopte la réforme calviniste qui ne donne qu’une place très restreinte à l’orgue durant le culte. Jan-Pieterszoon Sweelinck se fait donc connaître comme concertiste lors de récitals quotidiens. Il devient un notable de la vie musicale d’Amsterdam. Il constitue un ensemble vocal et instrumental constitué d’amateurs. Il forme de nombreux élèves, parmi lesquels on peut citer Praetorius, Scheidt et le compositeur anglais John Bull. Jan-Pieterszoon Sweelinck a été surnommé le « faiseur d’organistes ». On peut considérer qu’il est à l’origine de la musique d’orgue allemande qui allait faire briller le nom (qui deviendra célèbre) de Johann Sebastian Bach.

En 1585, Jan-Pieterszoon est alors âgé de 23 ans, c’est sa mère Elsken Sweling qui meurt. Jan-Pieterszoon Sweelinck devient alors tuteur de son frère de 19 ans, Gerrit Pietersz, qui deviendra plus tard un peintre et un graveur célèbre sous le nom de Gerrit Pietersz Sweelinck. Il a notamment été le professeur de Pieter Lastman qui sera le professeur de Rembrandt.

À son époque, Jan-Pieterszoon Sweelinck s’est surtout fait connaître par sa musique vocale, composée essentiellement sur des textes français. Trois recueils de chansons françaises sont édités entre 1592 et 1594, des Rimes françaises et italiennes sont publiée en 1612. Selon plusieurs auteurs (par exemple Marc Vignal dans son Dictionnaire de la musique Larousse) « Certains textes des Cantiones sacrae donnent à penser que Sweelinck sur ses vieux jours, est probablement revenu au catholicisme ; de toute façon, il semble avoir entretenu toute sa vie d’excellents rapports avec les Églises opposées. » Il était donc bien un homme libre…